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INTERVIEW DANS „PASSAGES“, une publication de Pro Helvetia
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Prier que rien n’ait changé!
Le surtitrage de productions théâtrales est une forme de traduction très particulière. Il recourt à l’écriture, mais s’opère en direct et relève, en fin de compte, de la traduction simultanée. Dora Kapusta, experte en la matière, nous livre ses réflexions sur les possibilités et les contraintes du surtitrage.
Interview: Tobias Hoffmann
En 1996, Dora Kapusta s’est jetée à l’eau en surtitrant pour la première fois une production théâtrale, la fameuse œuvre d’une durée de sept heures de Robert Lepage,The Seven Streams of the River Ota. Quelques années plus tard, la traductrice diplômée a fondé sa propre boîte et s’est spécialisée dans le surtitrage de théâtre et le soustitrage de films. Dans son travail de diplôme pour la Haute école des arts de Zurich, elle s’est demandée aussi si les surtitres pouvaient être utilisés, au-delà de la simple aide à la compréhension, comme un élément théâtral et esthétique autonome.
Madame Kapusta, votre dernier mandat vous a conduite, fin novembre 2009, au Spielart-Festival de Munich. Là-bas, vous avez assuré le surtitrage de la pièce de Beatriz Catanis, Finales. Comment était-ce, avec une pièce aussi riche en texte?
C’est une étudiante de l’Instituto Cervantes qui a traduit toute la pièce de l’espagnol en allemand. Un membre de l’équipe de programmation du festival s’est toutefois aperçu qu’elle ne savait pas faire de surtitres, car disons-le, le surtitrage est une forme de traduction spécifique. On m’a donc prié de le faire. J’ai reçu un DVD de la production et je me suis mise à « découper » le texte. L’essentiel du travail consiste à régler le texte sur le rythme de la représentation et cela prend plusieurs jours.
Qu’est-ce qui suit sur le plan technique, une fois que les surtitres sont prêts?
Je commence par rédiger une fiche technique. J’y consigne par écrit où je dois être assise et de quel équipement technique j’ai besoin. Je propose, ce qui est plutôt rare, l' offre complète : je traduis, je me charge de la conversion sur Power Point et je sais aussi me servir d’un vidéoprojecteur. Au moment de l’installation technique, il faut bien sûr que quelqu’un soit là pour monter ou baisser l’écran par exemple.
Puis on fait un filage. Le DVD que je visionne a souvent été enregistré lors de la générale. Si la première remonte déjà à quelque temps, des modifications ont été opérées dans le texte et dans le rythme. Certes, le filage, les troupes doivent de toute façon le faire pour travailler leurs déplacements dans un nouveau théâtre. Mais souvent, elles ne disent pas le texte au rythme fixé, elles l’esquissent juste. Alors que moi, je dois m’en tenir au rythme normal. D’un autre côté, je ne peux pas exiger d’un Michel Piccoli octogénaire qu’il donne tout pour deux heures de filage et qu’il rejoue deux heures le soir. Je n’ai donc plus qu’à me fier au DVD et à prier que rien n’ait changé !
En tant que surtitreuse et opératrice de surtitres, qu’avez-vous eu à faire lors des trois représentations à Munich?
Durant les représentations, je devais être pleinement concentrée pendant deux heures et demie. Dans cette pièce, on parle, on parle, je n’ai pas eu une seconde de répit. C’est épuisant. De plus, on est souvent mal assis. A cela s’ajoute que je note toujours les possibilités d’amélioration. Parfois, il y a un mot que je préférerais traduire autrement. Ou alors, j’insère encore une pause ici ou là.
Il arrive aussi que les comédiens sautent des répliques ou qu’ils se trompent. Si je n’ai pas d’obturateur pour couvrir les répliques sautées, je suis obligée de les faire passer à toute vitesse. Il est amusant de voir que les spectateurs croient toujours que c’est la surtitreuse qui a commis l’erreur. Beaucoup ne réalisent pas que les surtitres sont envoyés en direct.
Dans votre travail de diplôme, vous insistez à plusieurs reprises sur le fait que le manque de coordination en amont de la représentation d’une production en tournée conduit souvent à des surtitrages insatisfaisants. Comment cela s’est-il passé à Munich?
II n’y a pas eu de mises au point préalables, mais par bonheur, on a pu projeter les surtitres sur le fond clair de la salle. La situation standard, qui consiste à projeter les surtitres sur un écran fixé au-dessus de la scène, pose toujours problème. Les reproches que j’entends sont souvent les mêmes : l’écran est fixé trop haut et l’on se tord le cou. Ou alors, l’éclairage sur scène est si fort que l’on ne peut plus lire les surtitres. Au fond, il faudrait pouvoir collaborer avec la régie lumière quand on sait que la production va partir en tournée.